Il avait donc était décidé que les « jumelles » maléfiques viendraient au château. Et même si s’était en grande partie elle qui avait insisté pour que cela se passe ainsi, Némésis ne pouvait s’empêcher de douter de ce choix. Mais y avait-il réellement une autre option ? Elle en doutait. L’idée de la laisser courir dans la nature la répugnait au plus haut point. Elle avait laissé son compagnon s’éloigner, se diriger seul vers le village. En temps normal elle l’aurait sans doute suivit, mais là, elle avait le sentiment qu’il valait mieux le laisser seul. Ce fut donc la tête légèrement baissée qu’elle retourna au château tenant sa jument par la bride. Là bas le même rituel habituel s’opéra. Elle s’en occupa longuement, rendant son poil doux et brillant, s’assurant qu’elle n’avait pas été blessée pendant la chasse, si on pouvait appeler cela ainsi.
La femme chevalier termina vite, trop vite à son goût cette occupation, mais elle ne voulait pas rentrer immédiatement. Pourtant, cela ne lui aurait pas fait de mal, elle était encore couverte de sang dû aux blessures infligées par Pheare. Et si pou le moment cela ne saignait plus, un mouvement trop brusque ou un coup pourrait sans peine refaire saigner les blessures. Ce qui voulait également dire qu’elle aurait eu besoin de se faire soigner. Pourtant, la jeune femme restait là, immobile. Et le fait était qu’elle n’arrivait plus à bouger, un mauvais pressentiment venait de la saisir, et elle ne savait pas comment réagir. Ce fut un léger coup dans l’épaule donné par sa jument qui la sortit de son immobilité. Lentement, elle leva la tête afin de pouvoir fixer le ciel, et elle trembla. Elle ne savait pas pourquoi mais ce pressentiment prenait de plus en plus de place en elle. A présent, elle en avait la certitude, quelque chose de mauvais allait arriver. Mais à qui, elle ne parvenait pas encore à le dire.
Tremblant toujours, la femme chevalier s’appuya sur sa monture et ferma les yeux pour tenter de se calmer et de faire le point. Mais il n’y avait rien à faire, cette impression l’obsédait, à tel point qu’elle ne parvenait plus à reprendre son calme. Ses doigts se crispèrent dans la crinière de Flamme tandis qu’elle se forçait au calme, ou du moins à un minimum de calme.
-A ton avis, que se passe t-il Flamme ?Parler, elle en avait besoin sur le coup, entendre le son de sa voix, chercher un moyen pour se calmer, pour chasser cette sombre impression loin de son cœur et de son âme. La jument répondit par un faible hennissement et posa doucement sa tête sur l’épaule de sa cavalière. Elle ressentait ce qui agitait la femme chevalier, et à sa manière, elle voulait la rassurer. Cela sembla marcher, un temps seulement. Juste avant que ce sombre pressentiment ne se précise dans le cœur de Némésis et qu’un nom ne s’y associe Thomas.
A l’instant ou cette idée se forma dans sa tête, la jeune femme tenta de la rejeter. S’était ridicule, stupide même ! Thomas était toujours sur les terres du royaume d’Emeraude, il était juste allé au village, il ne risquait rien ! Cependant… cependant, Némésis se rappela que les chevaliers d’Irianeth étaient déjà venus jusqu’ici, pire encore, n’avaient-ils pas réussi à les piéger alors qu’ils étaient au château ? L’inquiétude de Némésis grandit encore et sans réfléchir d’avantage elle monta sur Flamme et la fit partir au galop. La jument traversa l’écurie, la cour et le pont à une vitesse infernale. Mais cela, Némésis s’en moquait. Les gens qu’elle avait failli renverser ne comptaient pas ! Pour le moment elle voulait juste rejoindre Thomas, le prendre dans ses bras, s’assurer qu’il allait bien.
La jeune borgne ne guidait Flamme qu’à l’aide de la voix et de ses jambes. En temps normal, peut être se serait-elle émerveillée d’une telle harmonie avec sa monture mais cela n’avait pas d’importance non plus à cette heure. Toutes ses pensées étaient dirigées vers son frère, non pas vers son frère, vers son compagnon, son amour. Ce fut à cet instant qu’elle entendit l’appel de son frère. Son sang se glaça dans ses veines et elle exhorta sa monture d’aller plus vite. Et tandis que Flamme galopait comme jamais, sa cavalière concentra toute son énergie vers Thomas pour le localiser. Lorsqu’elle se rendit compte qu’elle ne le trouvait pas, elle devint pâle comme un fantôme. Mais rejeta violement la première idée qui lui vint en tête. Après tout, ceci s’était déjà passer il y a quatre ans, il n’y avait donc aucune raison pour qu’aujourd’hui il soit forcément…
La femme chevalier ferma les yeux pour s’empêcher d’y penser. Lorsqu’elle arriva prêt de son frère d’arme, Némésis n’attendit pas que Flamme ait ralenti pour descendre. Le choc avec le sol fut rude mais elle n’y fit pas attention. La seule chose qu’elle était capable de voir et de comprendre pour le moment s’était la vision du corps sans vie de Lys et un peu plus loin, adossé à un arbre, celui de Thomas. Elle s’approcha de lui en tremblant et effleura son visage du bout des doigts. Il souriait légèrement et semblait dormir. Non, pas semblait ! Il dormait, s’était la seule explication ! Mais l’autre explication faisait peu à peu sa place dans l’esprit de Némésis, malgré la force qu’elle mettait à la rejeter. Sans réfléchir Némésis tenta de guérir la blessure de son compagnon, sans succès. Tremblant d’avantage, la femme chevalier chercha le pouls de son compagnon. Elle se figea en constatant qu’il n’y avait plus rien. Non, s’était impossible, il ne pouvait pas… Thomas ne pouvait tout simplement pas être…
-Thomas… THOMAS !!! Ouvre les yeux je t’en supplie ! Thomas !Pas de réaction. Au fond d’elle, elle savait que tout était fini, mais elle ne pouvait y croire, elle ne voulait pas y croire.
-Au nom de tout les Dieux Thomas arrête ça ! Arrête, par pitié.Toujours rien, les larmes commencèrent à couler sur le visage de la femme chevalier, tandis que la vérité s’imposait totalement à elle : Thomas était mort, s’était fini. Il ne serait plus là pour lui faire ce petit sourire charmeur qui la faisait céder et l’énervait en même temps, ils ne se courseraient plus dans tout le château pour savoir lequel avait raison et lequel avait tord. Némésis frappa du poing sur le sol à plusieurs reprises, jusqu’à ce que ces mains soient en sang.
-Tu m’avais promis Thomas ! Tu m’avais promis que tu serais toujours là ! Que plus jamais on ne serait séparés ! Tu n’avais pas le droit ! Tu m’entends Thomas ! Tu n’avais pas le droit de m’abandonner comme cela ! TU N’AVAIS PAS LE DROIT !Elle avait hurlé ces derniers, comme si elle voulait qu’il les entende par delà la mort. Elle avait mal, plus mal que jamais. Et ce n’était pas à cause de ses poings en sang ou bien des blessures infligées par Pheare qui s’étaient rouvertes pendant sa folle galopade. Non, là s’était au cœur qu’elle avait mal, au cœur et à l’âme. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir ressentir une telle souffrance. Doucement, elle passa ses bras autour du corps de son compagnon et posa sa tête sur son cœur. Elle voulait encore y croire, espérer qu’elle l’entendrait de nouveau battre, mais rien, rien du tout. A présent s’était des larmes silencieuses qui coulaient sur sa joue.
-Pourquoi, pourquoi Thomas ? On venait à peine de se retrouver, pourquoi es-tu déjà reparti, sans moi ? Pourquoi n’as-tu pas tenu ta promesse ?Tant de question sans réponse… La femme chevalier se rendait à peine compte que ses blessures saignaient abondamment. Elle aurait du rentrer et se faire soigner immédiatement, mais elle ne fit aucun mouvement, elle resta là, figée, comme si la mort était déjà venue la prendre. Après tout, à quoi bon chercher à continuer à vivre quand celui à qui on tien le plus était parti ? Si elle rentrait, tout ce qu’elle verrait lui rappellerait son compagnon, ne ferait que la faire souffrir d’avantage. A qui bon continuer à se battre pour protéger un continent qui lui paraissait déjà vide sans lui ?
Son sang continuait à s’écouler lentement de ses blessures, emportant peu à peu le reste de vie qui l’habitait. Dans un sens elle était déjà morte. Lorsqu’elle avait compris que Thomas ne reviendrait pas, qu’il était définitivement parti, une partie d’elle s’en était allée aussi. Ce corps n’était dorénavant plus qu’une prison, une prison dont elle voulait s’échapper pour rejoindre son compagnon, celui avec lequel elle s’était imaginé vivre plus tard, loin des combats, loin de la défense du continent. Némésis ferma les yeux et repens à cette discussion qu’ils avaient eu le jour du retour de Thomas. Cette discussion ou elle lui avait révélé qu’elle aimerait avoir une vie normale, avec un mari et pouvoir élever des enfants. Un sourire triste s’esquissa sur ses lèvres. Qu’elle aurait aimé que cela se réalise… avoir des enfants, les voir grandir avec Thomas à ses côtés. Ca aurait sans doute été le plus cadeau que l’on puisse lui faire… mais cela n’arriverait jamais à présent
Cette journée, cette discussion, s’était à ce moment là aussi qu’ils avaient découvert et qu’ils s’étaient avoués leur sentiment. La jeune femme avait l’impression d’avoir à peine put profiter de ce bonheur. De nouvelles larmes s’échappèrent de son œil, tandis qu’un autre liquide, rouge celui-ci continuait de s’échapper de son corps, se mêlant par endroit à celui de son compagnon. Son regard se posa brièvement sur le corps de Lys avant d’aller se fixer sur Flamme. La jument s’approcha et Némésis lui caressa doucement les naseaux.
-Merci, merci d’avoir était là tout ce temps ma belle… maintenant va t-en, retourne au château ou va là ou tu veux.La jument s’agita un peu avant de s’éloigner de quelques pas. Une nouvelle esquisse se dessina que les lèvres de la jeune femme tandis qu’elle se redressait pour fixer le visage serein de son compagnon. Lentement elle s’approcha et posa une dernière fois ses lèvres sur celles de Thomas tandis qu’une ultime larme coulait le long de sa joue.
-Attend moi s’il te plait, attend moi mon amour, je viens te rejoindre.Némésis reposa doucement sa tête sur le torse de son compagnon. Les bons moments lui revinrent. Ceux avec Thomas bien sur, mais également ceux avec ses frères et sœurs d’armes, quand ils n’étaient que des enfants, puis dans l’adolescence, juste après leur adoubement. L’attribution des écuyers lui revint alors en mémoire, puis l’entraînement d’Anna. Anna, Némésis était fière d’avoir été son maître, et elle ne doutait pas que la jeune fille serait un excellent chevalier.
Un sourire se dessina alors lentement sur ses lèvres. Dans le même temps, la jeune femme ferma son unique œil. Son sang continuait de s’écouler, emmenant sa vie avec lui. Finalement, sa respiration diminua pour finir par disparaître. Et elle s’en alla rejoindre les Plaines de Lumière et Thomas, son compagnon. Loin d’Enkidiev et d’Irianeth, loin des combats, des armes et de la souffrance. Simplement heureuse d’être de nouveau avec celui qu’elle aimait.
Et pour finir, un petit montage de nos deux enfants terribles :
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